Marc Hardy est né à Liège le 15 août 1952. Ce sympathique dessinateur est particulièrement connu pour avoir créé avec Raoul Cauvin le fossoyeur le plus célèbre au monde, Pierre Tombal. Mais c’est aussi le créateur de « La Patrouille des Libellules », de « Lolo et Sucette » et de « Arkel », des séries moins connues mais tout aussi génialement dessinées. Nous avons eu le plaisir de le rencontrer.
Comment avez-vous atterri dans l’univers de la bande dessinée ?
J’en ai toujours fait. Lorsque j’ai dessiné ma première planche, je devais avoir trois ou quatre ans. Mes parents traçaient les cadres à la règle car je ne savais pas encore le faire. C’étaient des personnages patates mais on pouvait déjà reconnaître des bonshommes.
Dans la bande dessinée, j’ai eu des débuts difficiles. J’ai dû attendre 17 ans avant la publication de mon premier album. Je perdais confiance en moi car les séries que je dessinais s’arrêtaient les unes après les autres. A chaque changement de rédacteur en chef du « Spirou Magazine », je craignais de perdre mon emploi.
Il m’a fallu attendre l’arrivée de Philippe Vandooren à la tête du « Spirou Magazine » pour avancer. Il aimait bien mon travail et m’a proposé de créer une série avec Raoul Cauvin.
Vous le connaissiez ?
Je connais Raoul Cauvin depuis très longtemps. Avant d’être scénariste, il travaillait déjà chez Dupuis, aux films. Moi, je dessinais pour le « Spirou Magazine ». Je me suis toujours très bien entendu avec lui. Cela fait plus de 30 ans que nous travaillons ensemble et nous n’avons jamais vécu de vraies disputes.
Comment avez-vous décidé de créer la série « Pierre Tombal » ?
C’est difficile à dire. Je ne sais pas vraiment d’où vient l’idée. J’avais perdu quatre frères dans ma jeunesse et mon épouse était atteinte d’un cancer. La mort était donc un sujet qui me tournait autour. J’en ai parlé à Cauvin car nous apprenions à nous connaître. Je suis persuadé que cela l’a influencé.
Une série sur un fossoyeur, c’était un pari osé ?
Surtout à l’époque ! Quelques années auparavant, le rédacteur du « Spirou Magazine » avait d’ailleurs refusé de publier une histoire de Sibylline parce que la séquence d’introduction se passait dans un cimetière.
Charles Dupuis ne voulait pas de Pierre Tombal. J’ai eu la chance que la boîte soit revendue au groupe « Frère » à cette époque-là. La série plaisait aux gens mais il ne voulait pas faire d’album car cet univers ne l’enthousiasmait vraiment pas. Il aura d’ailleurs fallu 5 ans pour que sorte le premier album.
Comment a évolué l’univers de la série ?
Au départ, le cimetière de Pierre Tombal était un cimetière d’animaux. Les gags du tome 1 ont lieu dans cet univers. C’était la solution que Raoul Cauvin avait trouvée pour faire passer la pilule à Charles Dupuis.
Pierre Tombal n’est pas vraiment le personnage principal de la série, c’est plus le fil conducteur qui lie les gags entre eux. Il a un caractère peu marqué. C’est le « bon copain ».
Par la suite, on en est venu aux pensionnaires. On a commencé par faire parler les tombes. Puis, on a fait ramper les morts en sous-sol comme des taupes. Ensuite, certains sont montés à la surface sous les traits de fantômes…
Ensuite est arrivée la Mort. C’est un personnage qui est venu de lui-même. Elle a une personnalité très riche qui nous permet beaucoup de gags !
J’aime bien suggérer des nouveautés. Après le débriefing d’un album, j’ai proposé à Cauvin le personnage de la Vie. Au départ, il n’aimait pas l’idée. Il lui a fallu deux ans pour mûrir le personnage. Ensuite, il m’a fait plusieurs pages de gags où elle intervenait et c’est moi qui ai souffert…
Pourquoi ?
J’ai eu du mal à la dessiner. La Mort, c’est facile, on l’imagine squelettique avec sa cape et sa faux, mais personnifier la Vie… Cauvin voulait que ce soit un personnage féminin. J’ai fait en sorte que ce soit un personnage jeune mais pas une petite fille qui se balade dans le cimetière.
D’une case à l’autre, elle vieillit parfois de quelques années si on la regarde bien. Son physique n’est pas clairement établi, il est fonction de ce qui lui arrive.
Ce qui est amusant, c’est que depuis que ce personnage a été lancé, les lecteurs se sont beaucoup plus attachés au personnage de la Mort. Il faut dire que la Vie lui en fait voir de toutes les couleurs.
Vous mettez en scène un fossoyeur ou des prostituées avec la série « Lolo et Sucette »… Etes-vous volontairement provoquant ?
Il y a beaucoup de choses qui ont été faites en bande dessinée. J’ai voulu trouver des sujets inédits mais qui concernent la société. Créer un enième reporter, cela ne m’intéressait pas. Je n’ai pas la volonté de provoquer mais plus de parler avec humour de sujets intéressants et originaux.
Un timbre à l’effigie de Pierre Tombal a été émis dans la cadre de la collaboration entre le CBBD et bpost. Quelle fut votre implication dans ce projet ?
Finalement pas grand-chose. Le responsable du projet nous a demandé de choisir un dessin pour créer le timbre. Personnellement, j’ai préféré en faire un inédit. Une fois qu’il a été rendu, mon implication s’est arrêtée.
J’aime bien les timbres, d’ailleurs dans certaines planches de « Arkel », je me suis servi du modèle de l’objet pour offrir des vignettes aux lecteurs. J’aime bien offrir un petit plus dans mes albums. Cela peut être ces vignettes ou des illustrations en fin d’albums. Je suis le cauchemar des maquettistes depuis que j’ai demandé à ce que le titre de l’album et de la série soient intégrés dans le dessin !
J’ai aussi eu droit à des oblitérations. La première fois, c’était à Longwy, puis plus récemment à Montalivet.
Existe-t-il beaucoup de produits dérivés autour de Pierre Tombal ?
Très peu. Au début, à la grande époque des sérigraphies, je refusais systématiquement car, estimant que c’était une série « grand public », je ne voulais pas sortir de produits que le lecteur de base ne puisse pas s’offrir. Il y a eu quelques statuettes, mais très peu. Elles n’ont pas été vendues dans de grands circuits.
Combien de temps faut-il pour la réalisation d’un Pierre Tombal ?
Cela dépend des albums, j’aime bien aussi faire des dessins et des illustrations pour moi. Disons que j’ai la capacité de faire un album et demi par an, mais il ne sort qu’un Pierre Tombal chaque année.
Que peut-on vous souhaiter pour la suite ?
De continuer comme ça. Je n’ai besoin que d’une chose : c’est qu’on me laisse tranquille ! Ma série fonctionne suffisamment pour que l’éditeur continue à publier mes albums sans discuter, mais je n’en veux pas plus. Je n’ai pas une toute grosse série qui chiffre à des centaines de milliers d’exemplaires vendus et je n’en ai pas envie.
Ici c’est parfait, cela marche suffisamment pour que je puisse faire ce que je veux comme je le veux. Ce n’est pas dramatique si l’album sort un mois plus tôt ou plus tard. J’ai l’occasion de m’amuser et c’est très bien comme ça !
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J’ai apprécié la rencontre avec Hardy et j’aime ses dessins, j’ai toutes les BD.
Bel entretien avec Marc HARDY, un Auteur sympathique, humble, d’un grand talent que j’ai eu le bonheur de rencontrer.