D ans le cadre des loisirs, il existe des noms pour désigner les différents types de collections en fonction des objets qu’elles comprennent. Comme dans tout domaine spécialisé, certains de ces noms ne sont pas attestés par les dictionnaires courants. La "figurinie" est l’art de collectionner les soldats de plomb.
Article écrit par Alain Israël, président du CTCR
Un peu d’histoire…
La figurine est apparue à la préhistoire, elle est contemporaine de l’art pariétal (magdalénien supérieur 38 000 ans av. JC.). Elle partage les mêmes thèmes (Mammouths, rhinocéros, ours, félins et chevaux). Ces figurines avaient probablement des fonctions religieuses. Les matériaux employés étaient de l’os, de la corne ou du bois.
Un peu plus tard des figurines en terre cuite furent utilisées pour la réalisation de statuettes (ex-voto ou gris-gris).
En Europe, les premières figurines apparaissent au paléolithique supérieur, ce sont « les Vénus ». C’est au néolithique que la production sera la plus importante, en particulier dans les Balkans pour la période comprise entre 6 500 et 3 500 av. JC., parmi les communautés d’agriculteurs pratiquant l’art de la céramique.
Les plus célèbres, dans un très bon état de conservation, ont été trouvées dans le tombeau d’un prince en Haute Egypte. Ces figurines sont contemporaines de la XXIe dynastie, elles mesurent 40 cm, sont en bois et représentent un détachement d’infanterie de Haute Egypte. Ces figurines sont exposées au Caire.
Le moyen âge a marqué pour plusieurs siècles un temps d’arrêt car la figurine était considérée par l’inquisition, comme un objet de sorcellerie au pouvoir du mal.
Il fallut attendre la Renaissance pour que réapparaisse la figurine. La plus célèbre était la collection de figurines en argent de Louis XIII. Louis XIV en hérita, les finances de l’état étant au plus bas cette collection fut vendue et dispersée.
Un peu plus tard, début XVIIIe siècle l’imagerie d’Epinal et d’autres éditeurs ont imprimés des planches de figurines à découper en carton.
Ensuite au début du XIXe siècle le soldat en plomb fut utilisé par les académies militaires pour l’instruction des officiers. Vers 1825, sont arrivées les figurines
en plomb dites « rond de bosse » qui furent produites par Blondel bientôt associé à Cuperly et Gerbeau.
Cette association donna lieu à la production des fameuses figurines « C.B.G. » généralement d’une hauteur de 54 mn.
Sur le dernier quart du XIXe siècle apparurent les figurines en composite produites par Bon et Dufour. Ces figurines étaient composées d’un mélange de papier-mâché, sciure de bois ou déchets de minoterie.
Dès 1870, la maison Duménil a fabriqué des figurines en terre cuite, plâtre et farine. En Allemagne à cette époque on fabriquait des figurines en tôle, plates et en fer blanc.
Durant la dernière guerre la marque allemande Elastolin a fait des figurines en ébonite (ce métal était réservé à l’armement). Pendant ce temps la maison Quiralu (Quirin aluminium) fabriquant les fameux jouets incassables, Quiralu a produit des figurines de 1933 à 1964.
De 1952 à 1962, ont été moulées en matière plastique des séries de figurines Mokarex qui étaient distribuées dans les paquets de café de la même marque.
Ces figurines de 45 mm et de 54 mm sont facilement identifiables, en effet sous chaque socle, il est inscrit : Mokarex ou Mokarex Déposé. La Société Bret-Hist,
qui deviendra propriétaire de la marque en 1976, rééditera certaines séries. A ce jour, c’est la Société Effigie qui est propriétaire des moules et des catalogues
Mokarex. La marque Mokarex est actuellement la propriété du Café Legal.
Dans le même esprit, la célèbre marque de lessive Bonux proposa de multiples et divers cadeaux,
Et pour finir, tout doucement nous sommes arrivés aux figurines modernes.
Le service de santé
Entre blessures et dévouement, ces figurines groupées sur un même socle, mettant en scène des duos ou des trios de soldats blessés, parfois accompagnés d’un(e) infirmier(ère), sont récurrentes chez les fabricants d’outre-Rhin, dès 1915.
Exit l’aluminium, le plastique et le plomb plein, sauf peut-être chez Heyde, les modèles en composition sont légion dans cet univers. Les premiers, moulés durant la Première Guerre mondiale, étaient souvent des pièces de grande taille, entre 8,5 et 10,5 cm jusqu’aux années 1920, puis entre 5 et 7,5 cm vers les années 1930.
Elastolin, prolifique créateur
Le fabricant allemand Elastolin propose, entre 1912 et 1968, au moins deux trios et sept duos mesurant entre 5,5 et 10,5 cm, toujours en composition. Il décline ses modèles de figurines en une multitude de peintures d’uniformes différents. Parmi les pièces les plus inattendues, on distingue un blessé, le bras en écharpe, qui transporte sur son dos un camarade mal-en-point.
Plus étonnant, il existe une gamme d’au moins 18 figurines d’infirmiers allemands secourant des blessés étrangers.
Lineol, une grande diversité
L’Allemand Lineol a imaginé deux paires et quatre trios de petits soldats blessés.
Comme chez Elastolin, ces pièces assemblées sur une même terrasse sont les plus rares. Et il peut exister, pour un même moule, une grande diversité d’uniformes étrangers.
Les plus saisissants étant les blessés en tenue de parade de la garde royale britannique avec bonnets en poils d’ours. Comme le note le spécialiste Christian
Blondieau, dans son livre Petits soldats, les figurines Lineol passent de 7,5 à 5,5 cm entre les années 1910 et 1933, puis à 6,5 cm entre 1933 et 1943.
Belges et Italiens en composition
Apparues entre 1938 et 1956, les figurines belges endossent les uniformes d’un grand nombre de nationalités et sont aussi déclinées en chasseurs ardennais ou
troupes coloniales. Clairon se contente d’une réplique d’Elastolin, représentant un blessé soutenu par un infirmier, tandis que Durso propose quatre modèles originaux de trios et cinq de couples.
Chez Nardi, Salpa et ConfalonieriChialu, on trouve plusieurs duos fabriqués entre 1936 et 1955. La création la plus rare étant un Américain de la guerre de Corée tirant un blessé allongé dans un canot.
La particularité française
Les figurines en plomb creux sur ce thème sont essentiellement françaises : quatre des marques JF (le Jouet Fondu), un CL (Charles Lanoy), un BF (Blancherie Frères)
et un HR (Henri Roger). Ce dernier fabricant est particulièrement porté sur la thématique médicale avec au total six figurines dont un cacolet (double siège à dossier placé sur le dos d’un cheval et utilisé pour le transport des blessés). On trouve également quatre figurines américaines « Dimestore » et une anglaise fabriquée par Johillco.
Les rééditions
A l’image de ces deux exemplaires, les répliques de figurines existent mais elles ne sont pas forcément conçues dans le même matériau que les pièces d’origine.
Combien ça coûte
Comme dans toute collection, la valeur d’une figurine est très variable en fonction de sa fabrication, de sa composition, de la marque représentée et du modèle avec un ou plusieurs sujets. Il n’existe pas de cotes pour ainsi dire, mais leur valeur varie d’un modèle à l’autre. Comptez 25 à 35 € pour les modèles les moins rares en plomb creux. En composition, les duos ou trios sont plus recherchés que les blessés seuls, donc plus chers. Les prix s’élèvent à une trentaine d’euros jusqu’à environ 70 ou 80€ et plus pour les Confalonieri. Dans les salles de ventes, les modèles Elastolin de grande taille, fabriqués durant la Première Guerre mondiale peuvent atteindre 180 €.