Rationnement et réquisition sous le Siège et la Commune de Paris (septembre 1870-mai 1871)
Les années 1870 et 1871 ont compté des heures sombres pour la ville de Paris. Après avoir subi durant plusieurs mois le siège des prussiens, la ville entre avec la Commune dans une période d’insurrection contre le gouvernement français. La population parisienne a faim et l’organisation pour la nourrir passe par les bons de rationnement. C’est ce sujet que Laurent Nesly de http://wikicollection.fr nous présente dans cet article.
Des bons de rationnement et de réquisition pour se nourrir
Coupée du reste du pays dès le 17-19 Septembre 1870, la capitale subit rapidement la rigueur exceptionnelle d’un hiver (pointes à -12 °C en décembre) tandis que les bombardements allemands aggravent la situation à partir de janvier 1871.
Le rationnement des denrées est organisé avec retard, les queues s’allongent devant les commerces de bouche littéralement pris d’assaut. Les prix de la viande, des conserves, du pain et des denrées alimentaires flambent. Les boulangers vendent un pain noir de composition inconnue. La bourgeoisie commence à abattre des chevaux, que les pauvres avaient été jusque-là les seuls à consommer. On mange même du chat, du chien, des rats. Dans les restaurants de luxe, on sert de l’antilope, du chameau, de l’éléphant (les animaux du Jardin des plantes sont sacrifiés).
Un interne des Hôpitaux de Paris écrit le 25 décembre 1870 : « J’ai mangé de tout : cheval, mulet, chat, chien, rat et j’ai trouvé le tout très bon. Je me promets (…) de vous faire manger des salmis de rats d’eau excellents… ». Le 30 décembre, c’est le tour de Castor et Pollux, les deux éléphants du Jardin des Plantes, d’être abattus et les bouchers vendent de la trompe d’éléphant de premier choix à 40 francs la livre. Les habitants sont privés de bois et charbon, et sans gaz, les rues sont plongées dans l’obscurité dès la tombée de la nuit.
Ces privations affectent surtout les classes populaires, déjà réduites à la misère par l’arrêt des activités économiques. Le taux de mortalité double en quelques mois (notamment à la suite des affections pulmonaires dues au froid et à la malnutrition), mais il n’y aura pas de véritables épidémies ; les cas de choléra resteront rares.
Quelques cartes de rationnement et bons de réquisition de ma collection
Il s’agit des titres cités par les affiches des 11 octobre 1870, 13 octobre et 29 octobre 1870, sous les titres de « Bons de Portion », « Cartes de Portion », voire « Cartes de Rations ». Ces titres de rationnement portent des colonnes du 12 octobre au 31 octobre 1870. Ils sont de quatre couleurs :
– Impression rouge sur carton gris
– Impression jaune sur carton gris
– Impression vert sur carton gris
– Impression bleu sur carton gris
On servait quelques fois du poisson avec ces cartes, la viande faisant défaut certains jours. Le boucher découpait les tickets et les conservait après avoir inscrit dessus le nom de la personne possesseur et le nombre des personnes pour les rations. Les rations étaient distribuées pour trois jours.
Certains jours, on servait en premier les cartes jaunes, d’autres, c’était les bleues, d’autres les rouges, la viande manquant souvent.
Étonnamment, ces deux volets de couleurs différentes étaient épinglés pour constituer une carte complète.
Reproduction de texte de Alain Faure
Bons émis par la mairie du 11e arrondissement lors du Siège de Paris. Le « brouet national » devait être une sorte de soupe à base de bouillon et d’aliments solides. Il était distribué à diverses adresses, au 26 rue Oberkampf, comme ici, au 42 rue d’Angoulême et au 28 rue Saint-Sébastien.
La mairie était alors dirigée par le banquier démocrate Jules Mottu, qui laïcisa les écoles de l’arrondissement et veilla au ravitaillement de la population.
Il écrivait en novembre 1870 : « Le XIe arrondissement est le plus considérable de Paris ; il compte une population qui dépasse 170 000 âmes […] Je me suis occupé de l’installation de buffets qui, établis sur des points divers de l’arrondissement, fournissent actuellement à la population 25 000 repas composés d’aliments cuits, bœuf bouillon, légumes, pain, soit 100 000 rations par jour. »
Ce bon de réquisition d’aliments date du lundi 22 mai 1871, le 2e jour des combats entre l’armée de Versailles, rentrée la veille dans Paris, et les forces de la Commune, regroupées dans la Garde nationale, cette armée citoyenne ressuscitée en septembre 1870 pour la défense de Paris.
Il émane d’une des unités de la garde du 20e arrondissement, le 74e bataillon, fort de 1 500 hommes à peu près sous le Siège. Le bataillon avait participé à la défense des canons de la garde dont le gouvernement de Thiers avait voulu s’emparer au 18 mars précédent, précipitant ainsi l’avènement de la Commune. Voulant assurer la défense du quartier contre une attaque de l’armée régulière, les hommes du bataillon avaient aussitôt érigé une barricade au bas de la rue des Amandiers : il en existe une photographie célèbre.
Pour comprendre ce choix stratégique, il faut préciser qu’à l’époque ni l’avenue de la République ni l’avenue Gambetta n’existaient, ni non plus, plus haut, la rue Sorbier. La rue des Amandiers assurait une liaison directe entre le milieu de la rue de Ménilmontant et le boulevard, d’où son importance : un coup d’œil sur une carte, même actuelle, suffit à le faire comprendre. D’où, le 22 mai, comme Paris se couvrait de barricades pour répondre à l’entrée des Versaillais, l’érection d’une nouvelle défense barrant la rue, mais cette fois semble-t-il dans le haut. Paris, en ses quartiers populaires, restait à cette époque une ville très cloisonnée où les liaisons internes commodes étaient rares.
Le bon est rédigé et signé par le capitaine Gilbert Jacquin (la garde élisait ses cadres). On trouve son nom sur un état nominatif de la compagnie en octobre 1870 ; il ne savait pas signer alors. Le bon est contresigné par le commandant du bataillon, Nicolas Devarenne, un ouvrier nacrier de 31 ans, qui sera compromis dans l’exécution d’une cinquantaine d’otages, le 26 mai, au siège du secteur dont dépendait le 20e, rue Haxo. Devarenne fut condamné à mort par un conseil de guerre, mais était passé en Belgique après la Semaine sanglante.
Ce bon fut présenté à un boucher du quartier, ou plus vraisemblablement à un restaurateur vendant du bouillon avec des portions de viande. Les mairies, sous le Siège puis sous la Commune, avaient signé des centaines de bons de ce genre, il est vrai essentiellement à destination des propriétaires et des hôteliers, pour loger des réfugiés ou des familles chassées par les bombardements de l’armée versaillaise lors du deuxième siège. Ce document atteste que, dans l’esprit des chefs de la barricade, le commerçant devait être indemnisé après les combats puisqu’il pouvait attester la réquisition. Ce formalisme resta de saison les jours suivants.
Plus d’informations, consultez la page http://wikicollection.fr/?p=36028
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Je trouve ces informations très intéressantes. Continuez c’est bien.
Tres interessant souvenirs souvenirs de mon enfance….
Bonjour/Bonsoir,
Un très grand MERCI à M. Laurent NESLY et à son intermédiaire de valeur, Delcampe, pour ce sujet « passionnant » qu’est le Siège de Paris qui, sauf erreur de la cartophile que je suis, serait le point de départ d’une forme de correspondance par « Ballons Montés » et par « Boules de Moulins »… Un tournant de l’Histoire de France….
Balou34