Auteur de bandes dessinées à succès dont le talent pour représenter les femmes n'est plus à démontrer, Dany s'expose en peinture à la galerie Daniel Maghen du 28 mars au 21 avril.
Une exposition à ne pas manquer : Les Femmes de Dany
On connaît Dany surtout pour son œuvre en tant qu’auteur de bandes dessinées. D’Olivier Rameau à Ca vous intéresse en passant par Histoires sans héros, Dany a fait rêver petits et grands grâce à son incroyable talent de dessinateur et de conteur d’histoires. Dans quelques jours, la célèbre galerie Daniel Maghen à Paris exposera de nouvelles œuvres de Dany.
Il s’agit d’une série de peintures à l’acrylique sur toile ou papier, un art dans lequel l’auteur brille également et qui rend hommage à sa manière toute particulière de représenter les femmes.
Il y a quelques mois, nous avions rencontré Dany dans la cadre du Delcampe Magazine. L’exposition est donc un excellent prétexte pour vous faire redécouvrir cette interview !
Comment avez-vous atterri dans la BD ?
Je rêvais de faire de la bande dessinée mais je ne savais pas comment accéder à ce monde que je considérais comme une sorte d’élite. Et finalement, cela a été beaucoup plus facile que prévu !
Je faisais des études de publicité. Lors d’une exposition de travaux d’élèves, j’ai été remarqué par Mittéï qui cherchait un assistant. J’ai évidemment sauté sur l’occasion. C’est ainsi qu’a commencé ma carrière dans la bande dessinée : je faisais des décors pour Ric Hochet et pour les albums de Greg dont Mittéï était l’assistant. Cela faisait de moi l’assistant de l’assistant !
A cette époque, il y avait beaucoup moins d’auteurs et la plupart commençaient, comme je l’ai fait, leur carrière dans un studio. Les grands dessinateurs comme Peyo, Hergé, Gratton… en avaient un. C’est quelque chose qui s’est perdu avec le temps.
Pour en revenir à ma carrière, j’ai travaillé pour Mittéï pendant un peu plus d’un an. Puis, j’ai dû partir au service militaire et j’ai été remplacé par Seron. J’étais un peu inquiet de ce qui allait m’arriver à mon retour, mais j’ai eu de la chance à nouveau. J’ai été contacté par Greg et suis allé travailler directement pour lui dans son studio.
Comment êtes-vous passé des décors aux jolies femmes ?
J’ai toujours préféré les jolies femmes aux décors !
Comme la plupart des assistants, je travaillais sur les séries du maître du studio, mais petit-à-petit, on acquiert de la technique et on essaie de proposer un projet qui nous est propre. Je l’ai fait, encouragé par Mittéï, au journal « Tintin ». J’avais proposé quatre planches avec des petites demoiselles. Mon dessin était, à cette époque, fortement influencé par deux dessinateurs : Franquin et Kiraz.
J’ai rencontré le rédacteur en chef du journal « Tintin » qui a trouvé ça pas mal et m’a proposé de montrer mes pages au directeur artistique qui n’était autre que Hergé. Pour le jeune dessinateur de 22 ans que j’étais, rencontrer Hergé était hyper impressionnant.
Il a regardé mes planches en notant l’influence de Franquin sur mon dessin. Je me suis dit que c’était normal mais qu’il ne connaissait certainement pas Kiraz. C’est là qu’il m’a dit : « pour vos personnages féminins, on voit clairement l’influence de Kiraz ! » J’étais grillé !
Il m’a rendu mes planches en me disant que c’était bien mais qu’il fallait encore travailler dessus. Philippart, le rédacteur en chef de l’époque les a gardées dans un tiroir.
Six mois plus tard, Hergé quitte le poste de directeur artistique du Lombard et Greg devient la rédacteur en chef du journal « Tintin ». Entre-temps, je travaillais dans son studio. Quelques mois après, il avait besoin de matériel pour le journal et a décidé de publier les quatre fameuses pages. C’est ainsi qu’ont été publiées les premières planches entièrement réalisées par mes soins.
Vous avez encore travaillé pour le studio ?
Oh oui, j’y suis resté 9 ans. Je travaillais sur les séries de Greg mais aussi sur celle qu’il avait scénarisé pour moi : « La merveilleuse odyssée d’Olivier Rameau et de Colombe Tire d’Aile ». J’ai adoré ce scénario à contre-courant de ce qui se faisait à l’époque. C’était très loin du scénario à la « Gil Jourdan » que je pensais qu’il me réservait ! C’était complètement novateur. Encore une fois, j’ai eu de la chance !
Votre parcours en tant qu’auteur de bandes dessinées n’est pas des plus classiques…
En effet, ce qui caractérise mon parcours, c’est sa grande diversité. Je n’ai pas envie d’avoir une étiquette. J’ai été dessinateur « fleur bleue » avec « Olivier Rameau », plus réaliste quand j’ai travaillé sur « Bernard Prince » ou « Histoire Sans Héros », j’ai aussi fait des albums coquins. Maintenant, j’ai sorti cet album à la fois humoristique érotique et historique. J’aime bien changer d’univers, de style, cela renouvelle mon enthousiasme.
Je fais aussi de nombreuses choses à côté de la BD. J’adore dessiner des illustrations. J’ai fait des posters, des affiches, des publicités… Pour le moment, je réalise un travail de commande pour une galerie parisienne qui m’a demandé de lui fournir des peintures. Je trouve cela très intéressant de travailler avec de nouveaux matériaux comme la peinture à l’acrylique. J’adore cela, malheureusement, cela met mon travail en retard !
Pourriez-vous nous présenter votre nouvelle héroïne, Ludivine ?
Ludivine est une étudiante en histoire qui, suite à un bug informatique, se retrouve happée par son ordinateur et projetée dans des époques passées qu’elle influence malgré elle.
Ce projet est né d’une rencontre avec Michel Rodrigue. Il envisageait le concept de l’album sous forme de bloc de texte illustré. Cela ne m’intéressait pas trop. Je préférais faire des histoires courtes sur des périodes définies. Erroc, le scénariste de « Les Profs » et de « Cubitus » m’a fourni un scénario incroyable qui m’a vraiment fait rire du début à la fin. Je me suis beaucoup amusé en réalisant cet album. Il faut savoir aussi que je suis passionné par l’histoire. J’en dévore les livres.
Ce projet mélange donc mes deux passions : l’histoire et les jolies filles !
Quelle époque avez-vous préféré dessiner ?
J’ai aimé toutes les époques, mais si je dois vraiment choisir, je répondrais la guerre 14-18. Parvenir à faire quelque chose de rigolo sur ce sujet, ce n’était pas évident. Je suis fier d’avoir fait des planches fortes sur cette période.
J’aime bien aussi dessiner le 18ème siècle. Les costumes aussi bien féminins avec les grands décolletés que masculins avec les uniformes militaires splendides, c’est un vrai plaisir.
D’un point de vue historique, j’essaie de ne pas faire d’erreur. Les décors et les anecdotes sont authentiques. Bien évidemment, c’est très extrapolé et tourné humoristiquement. J’essaie quand même d’être fidèle à l’histoire dans cette grande fantaisie.
A quand le tome 2 ?
On a la matière mais on est en cours de discussion avec les éditions « Glénat ». J’ai très envie de continuer. Les échos des lecteurs sont très positifs. Et surtout, il reste encore tant d’époques à explorer.
Sur quel projet travaillez-vous actuellement ?
Je suis occupé sur un Spirou. C’est un projet qui a commencé avant Ludivine. Sergio Honorez, directeur éditorial de chez « Dupuis » me l’a proposé. Spirou est un des personnages qui m’a poussé à faire de la bande dessinée. Je ne pouvais donc pas refuser. J’avais très envie de rendre hommage à Spirou et Fantasio.
Par contre, je n’arrive pas à les métamorphoser. Je reste très fidèle au dessin de Franquin. Je n’ai pas envie de les trahir. Du coup, c’est beaucoup plus de boulot. En plus, je travaille avec quelqu’un pour qui j’ai beaucoup d’estime et qui est un ami, le scénariste Yann.
Je suis aussi au tout début d’un projet de roman graphique avec une influence auto biographique. Encore quelque chose de tout à fait différent. Sur ce projet, je travaille avec Denis Lapière.
Vous avez aussi réalisé des timbres ?
Oui, en 2009, j’ai eu une commande de La Poste. C’est arrivé par le CBBD. Il s’agissait d’un bloc qui devait comporter un certain nombre de personnages : Blake et Mortimer, Boule et Bill, mais aussi des personnages néerlandophones comme Bob et Bobette, Néron…
J’ai ajouté ceux des copains : « Ric Hochet », « L’Agent 212 », « Léonard », « Jérémiah »… Et bien sûr « Olivier Rameau et Colombe Tiredaile ».
Ce timbre a été remarqué. Il a même obtenu un prix du timbre de philatélie.
« Olivier et Colombe » ont eu aussi leur feuillet de timbres. Dans le cadre de certains festivals, j’ai aussi eu des cartes postales et des oblitérations.
Que peut-on vous souhaiter pour la suite ?
D’avoir toujours cet enthousiasme, ce plaisir de raconter des histoires et celui de dessiner. Ne plus avoir cette envie, c’est une de mes angoisses, mais heureusement, ce n’est pas le cas.
Mes plus sincères remerciements car vous, les dessinateurs et dialoguistes ainsi que les scénaristes, m’avez apporté réconfort et grande part de bonheur de 1961 à 1963 pendant ces trois longues années de sanatorium (tuberculose). J’ai dévoré de tous mes sens Tintin et Pilote de novembre 1959 a 1963 avec leurs héros : Tintin, bien sûr, Ric Hochet dont je possède la collection quasi-complete, Strapontin, Michel Vaillant, les chevaliers du ciel, Alice, Black et Mortimer, etc.
Et mes félicitations non moins méritées pour votre talent, votre génie inimitable !
A mes yeux, vous êtes « les raconteurs d’histoires illustrées » dont l’odyssée a débuté avec la seconde moitié du XXe siècle « .
Je ne vous oublierai jamais. Un lecteur né le 03/08/1948