Jean-Claude Mézières, dessinateur de Valérian et Laureline vient de recevoir le Prix Saint-Michel de la bande dessinée pour l’ensemble de son œuvre. A l’aube du 24ème tome de la série, nous avons eu la chance de rencontrer cet artiste talentueux qui a influencé fortement le style de la science-fiction que ce soit au niveau de la bande dessinée ou au niveau du cinéma.
Avez-vous toujours désiré faire de la bande dessinée ?
Oui, cela m’a toujours passionné, j’ai toujours dessiné. J’avais reçu le « Lotus Bleu » pour mes 10 ans et ce fut un choc pour moi ! Lorsque j’avais 14 ans, j’ai dessiné une histoire de 16 pages , un petit western en couleur à l’aquarelle sur du papier à dessin recto-verso pour que cela ait l’air d’un album et l’avait envoyé à Hergé comme ça… Il m’avait gentiment répondu en disant qu’il y avait encore du travail mais que pour un jeune de 14 ans, c’était très bien. Mais j’étais était furieux ! Pour moi, Hergé et Casterman c’était le même et je rageais de ne pas être publié… Rien que ça.
Par la suite, j’ai découvert les autres grands dessinateurs de mon adolescence: Franquin et Morris que j’ai bien connus.
Je n’ai jamais rencontré Hergé, mais lorsque j’ai publié mon premier album de Valerian, je lui en ai envoyé un exemplaire. Il m’a écrit qu’il était ravi d’avoir encouragé quelques années auparavant un futur auteur.
Pourquoi vous êtes-vous lancé dans une série de science-fiction ?
Pour l’originalité du thème à l’époque. Ce n’était pas encore à la mode à la fin des années 60 ! On avait bien envisagé de faire un western, je revenais de mon voyage dans l’Ouest américain, mais les histoires de cow-boys étaient déjà si nombreuses dans le neuvième art. Nous avons donc préféré tenter d’innover.
Pierre Christin et moi étions de grands lecteurs de science-fiction, partir dans ce genre nous attirait donc naturellement. Et tant qu’à essayer, nous avons aussi créé un personnage féminin presque par hasard mais à l’époque, il n’y avait pas de personnages féminins ou quasi inexistants dans la bd. Laureline elle est mignonne et c’est un personnage doté d’un sacré caractère ! Mais tout cela est venu au fur et à mesure.
Comment considérez-vous votre métier de dessinateur ? Plaisir ou travail ?
Je n’ai malheureusement pas le crayon inspiré, je dessine mais ce n’est pas la grâce comme chez d’autres dessinateurs – j’ai connu Wolfgang Amadeus Giraud/Moebius dès nos 15 ans ! – Mais, je suis pugnace et déterminé ! J’ai plus de plaisir à avoir dessiné qu’à dessiner. J’aime voir mon travail terminé.
Avez-vous réalisé beaucoup de produits dérivés autour de votre œuvre ?
Non, je n’apprécie pas particulièrement les produits dérivés. Je privilégie les albums scénarisés par mon compère Pierre Christin. Pourtant, j’ai eu l’occasion de dessiner quelques timbres. Surtout pour les TAAF pour lesquels j’ai réalisé cinq blocs de 4 timbres entre 2000 et 2004. J’ai d’ailleurs eu la possibilité de participer à une rotation vers les TAAF au fin fond de l’Océan Indien. Un mois en mer même si j’appréhendais un peu le voyage… Ces endroits reculés sont absolument fascinants. J’en garde un souvenir incroyable.
J’ai aussi dessiné un timbre sur les Communications en 1988 et quelques vignettes ou cartes postales. Mais par rapport à d’autres dessinateurs, je suis assez peu productif pour les produits dérivés.
On entend parfois que Georges Lucas s’est inspiré de vos dessins pour certaines de ses créations dans Star Wars. Qu’en pensez-vous ?
En fait, je ne le sais toujours pas.
A la sortie du premier Star Wars, j’ai été surpris par les ressemblances, les mêmes atmosphères. Au deuxième film, j’ai écrit à Georges Lucas pour lui dire qu’on avait des goûts très proches et que s’il voulait je pourrais travailler avec lui, il n’avait qu’à m’appeler…Mais je n’ai jamais eu de réponse !
C’était dans l’air du temps, de l’époque. Le cinéma est un grand vampire. Il est très possible que lui ou un de ses assistants m’ait emprunté des idées de décors. Disons que si c’est le cas, j’aurais apprécié qu’il fasse signe.
Luc Besson, lui a revendiqué ses emprunts et l’a dit.
En 1992 Besson m’a appelé pour travailler sur les projets de son film « Korben Dallas » je lui ai d’ailleurs prêté mes taxis volants que j’étais en train de dessiner pour LES CERCLES DU POUVOIR ! Au départ le personnage incarné dans le film par Bruce Willis devait être ouvrier dans une usine de fusées dans la banlieue new-yorkaise. Mais c’est grâce à notre concours à Pierre Christin et moi-même qu’il est devenu chauffeur de taxi volant.
A l’époque, le projet a été arrêté car Besson, incapable de monter le financement de ce film, préparait un autre film à New York. Moi pendant ce temps, j’ai terminé LES CERCLES que j’avais commencé avant et l’ai envoyé à Luc Besson. « Léon » qui s’est avéré être un grand succès lui a permis de relancer son projet. C’est là qu’il a vraiment découvert mes taxis volants dont il s’est inspiré pour le Cinquième Élément qu’il a finalement terminé 5 ans plus tard avec le succès qu’on lui connaît.
Que pensez-vous de son adaptation de votre œuvre au cinéma ?
Besson fait partie de mes lecteurs depuis qu’il est adolescent. Il avait envie de réaliser Valérian depuis bien longtemps.
Personne ne m’a mis un pistolet sur la tempe pour m’obliger à vendre mes droits d’adaptation. Si je l’ai fait c’était parce que cela me plaisait de voir mes personnages sur grand écran. D’autant plus que quand on a signé avec Luc Besson il y a 10 ans, ni Pierre Christin ni moi n’y croyions réellement.
Finalement, cela s’est fait et ce fut une formidable aventure qui a bien relancé la série de bandes dessinées. Evidemment, c’est le film de Luc Besson et pas le mien.
Vous venez de recevoir le Prix Saint-Michel pour l’ensemble de votre carrière… C’est une bonne surprise ?
C’est un beau prix et prestigieux en plus ! Il existe depuis longtemps et je suis très content de l’avoir obtenu. Cela montre bien mon attachement pour la BD belge de la grande époque. Mais je m’inquiète un peu car j’ai reçu plusieurs prix cette année. J’ai parfois l’impression qu’on se dit que vu mon âge, il ne faut plus tarder à m’en remettre ! Mais cela me fait toujours plaisir, bien évidemment !
Vous aviez eu celui d’Angoulême en 1984.
Oui, effectivement, c’est une belle reconnaissance aussi. Je me rends à Angoulême depuis ses débuts. Les choses ont bien changé, je me souviens, une des premières années, on dédicaçait encore sur les tables du marché. J’en avais eu une qui sentait encore le poisson !
Quel est votre prochain projet ?
Mon prochain album est prévu pour le premier trimestre 2019. Il va s’appeler « L’avenir est avancé ». Il s’agit de la suite du tome précédent qui s’appelait « Souvenirs de futurs » mais qui pour des raisons d’homonymie devra changer de nom lors de la prochaine réimpression. J’ai hâte de le voir arriver en librairie.
Que peut-on vous souhaiter pour la suite ?
Après, je ne sais pas trop. Je n’ai plus envie de me lancer dans un tunnel de 50 pages à nouveau. Je pense que je me consacrerai à des travaux plus courts de types illustrations en espérant que ma main sera toujours d’accord pour travailler !
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Je ne suis pas du tout adepte fidèle de la BD et reste impressionné par la maîtrise dont tu fais preuve à son égard, chère Héloïse.
Bravo !
Bises
Je possède un tirage de tête de Valérian double avec la sérigraphie. Seriez vous in téressé il était évaliué à 150 euron en 211
Bonjour,
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Bonne journée
Héloïse