A l’occasion de la sortie du 60ème album des « Tuniques Bleues », nous avons souhaité rencontrer Willy Lambil, le brillant dessinateur de cette série depuis 1972 suite au décès prématuré de Salvérius. 55 albums plus tard, on peut dire que le travail de Lambil a mené cette série où elle est : parmi les plus connues de la bande dessinée franco-belge. Revenons sur la carrière et les personnages de ce grand dessinateur.
Monsieur Lambil, comment êtes-vous tombé dans la bande dessinée ?
Mon envie de faire de la bande dessinée remonte à la période de la guerre. A l’époque, je lisais le journal « Bravo » qui publiait de la bande dessinée. C’est ce qui m’a motivé à en faire.
Je passais souvent à Marcinelle devant les ateliers et je me disais : « Ah, si un jour, je pouvais y entrer ! ». Avec le frère du dessinateur Jijé qui habitait près de chez moi, j’ai pu y entrer.
J’y ai d’abord travaillé comme lettreur à l’âge de 16-17 ans après une année d’étude aux Beaux-Arts de Bruxelles. J’ai commencé la bande dessinée en 1959. Je dessinais une série sur l’Australie qui s’appelait « Sandy et Hoppy ».
Avez-vous eu du mal à abandonner votre série « Sandy et Hoppy » ?
Je n’avais plus très envie de continuer la série « Sandy et Hoppy ». J’avais d’ailleurs demandé à Cauvin s’il n’avait pas quelque chose à me proposer. Il n’a pas eu le temps de réfléchir. En 1972, à la mort de Salvérius, Cauvin m’a demandé de reprendre la série « Les Tuniques Bleues ». La série commençait à avoir du succès et il fallait trouver rapidement un dessinateur pour la continuer.
Est-ce que cela a été difficile de reprendre des personnages déjà existants ?
Je l’ai fait pour dépanner au départ. Quand Charles Dupuis m’a demandé si je souhaitais continuer, j’ai accepté. J’avais envie de changer de série et l’univers me plaisait. Cela n’a pas été très difficile de me décider !
Pourriez-vous nous présenter en quelques mots le 60ème album de la série : « Carte blanche pour un bleu » ?
C’est plutôt une question pour le scénariste !
Suite à une bataille, le sergent Chesterfield perd la mémoire. Le caporal Blutch essaie de l’aider à la retrouver en le confrontant à ses souvenirs issus des albums précédents. En fait, c’est une sorte de rétrospective de leurs aventures passées.
Quel personnage secondaire de votre série préférez-vous dessiner ?
Je n’ai pas vraiment de préférence. Il y en a un qui revient souvent car Cauvin l’aime bien, c’est Cancrelas, l’ennemi sudiste de Blutch et Chesterfield. Mais je n’ai pas plus d’affinités avec lui qu’avec un autre.
Contrairement à certains de mes collègues, je ne suis pas passionné par mes personnages. Je les dessine chaque jour, case après case en fonction des attitudes qu’on me demande. Après, j’oublie ce que j’ai fait la veille. Je suis dans leur univers, je les apprécie, mais je ne les considère pas comme des êtres vivants. Je me sens plus comme un marionnettiste qui anime ses personnages de papier.
Avez-vous un droit de regard sur les produits dérivés de la série ?
En principe, j’ai un droit de regard, mais dans la pratique, Dupuis prend toutes les décisions. Je ne vois les produits dérivés que quand ils sont finis.
J’ai vu que vous aviez réalisé une enveloppe décorée et une flamme pour le festival d’Illzach. Comment cela s’est-il passé ?
C’est le genre de produit dont on ne me parle pas ! Je suppose que cela s’est fait sur base de dessins existants et que cela s’est géré avec Dupuis.
Votre série est-elle lue par le public américain ?
Ma série est traduite en anglais (dans d’autres langues comme l’espagnol, le néerlandais, le portugais… également), mais je ne sais pas si elle est diffusée aux Etats-Unis. Il faut savoir que, même si les Etats-Unis sont une nation qui affectionne la bande dessinée, ce ne sont pas forcément les mêmes goûts que les goûts européens.
Travaillez-vous planche par planche ou plusieurs planches à la fois ?
Après avoir lu le scénario global, je travaille planche par planche, case par case. Je fais d’abord un crayonné complet de la planche que je photocopie pour permettre la réalisation de « tirages de tête » en crayonné comme cela s’est fait à plusieurs reprises par le passé. Ensuite, j’encre ma planche.
Que peut-on vous souhaiter pour la suite ?
Peut-être un peu plus de considération de la part des médias et de Dupuis. J’ai souvent l’impression que mes albums sont un peu mis de côté. Pourtant, à chaque sortie, le public est au rendez-vous.
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Bonjour Willy Lambil. Je connaissais vos bandes dessinées, mais à la suite de cet article de Delcampe, je vous découvre. Dessinateur-peintre naturaliste à l’O.R.S.T.O.M., j’ai dans ma jeunesse travaillé aux Édition de Châteaudun, avec Marijac, Le Rallic, Joé Hamman, Forest, Jean-Pierre Boivent et autres. Je me suis bien intéressé aux productions de B.D., mais à ma grande honte, les Tuniques Bleues, ne figurent pas dans ma bibliothèque et ce n’est pas maintenant, à quatre-vingt-quatre ans que je vais commencer. Je voulais saluer vos Œuvres qui le méritent bien. Bravo pour votre production. Cordialement. Pierre OPIC
Merci Monsieur Lambil !
Je suis fan des Tuniques Bleues et de votre travail en général.
Continuez à nous enchanter longtemps !
Bien dommage de lire l’amertume de ce grand dessinateur qu’est Willy Lambil. Que diraient les éditions Dupuis si du jour au lendemain il décidait d’arrêter? Car à ma connaissance, comme Raoul Cauvin, il n’est plus tout jeune ! Quand on sait qu’elles n’ont jamais publié les aventures de Sandy et Hoppy… Ca aussi, c’était une série sympathique, à la cheville de laquelle n’arrivent pas la majorité des BD actuelles, imbues d’intellectualisme dans le scénario et de sophistication dans les dessins. Il y avait eu dans le journal Spirou dans les années 70 une parodie de Sandy et Hoppy, assez délirante, là encore dessinée par W. Lambil, qui avait su montrer qu’il était aussi doué dans le dessin humoristique que réaliste. Un auteur qui sait parodier ses propres séries, c’est rare ! M. Lambil, vous êtes un grand bonhomme, qui méritez plus de respect qu’on ne vous en témoigne. Merci à vous pour les milliers de petits bonheurs que vous avez su apporter à vos lecteurs dans votre oeuvre, vous avez toute l’admiration d’un modeste collectionneur de BD.