En inspectant des courriers de guerre sur l’intéressant site prisonniers-de-guerre.fr, je suis tombée sur une marque récurrente, le cachet « Déesse assise ». Intriguée, je me suis lancée dans une recherche autour de ce cachet.
Un cachet qui ne date pas d’hier
La première vignette portant une déesse assise date de bien avant les guerres mondiales du 20ème siècle. On la retrouve pour la première fois en 1792 pour la publication des décrets de l’Assemblée législative. Son utilisation continue en 1793, époque à laquelle l’administration de la marine y a également recours. Les commissions militaires l’utilisent également jusqu’en l’an IX (1800-1801).
Inspirée de l’Antiquité, la déesse initiale a les yeux bandés, porte la balance de la justice et marque sa force notamment grâce au lion allongé à ses côtés. Elle perdra vite son bandeau pour devenir la « République clairvoyante ». Ce serait l’ancêtre de « Marianne », future représentation de la République Française.
On la retrouve sous le directoire en l’an VI où elle orne les documents officiels. Peinte par Prud’hon et gravée par Naigeon, elle porte alors le bonnet phrygien et semble s’être assagie.
Par la suite, sous Napoléon Bonaparte, elle prend les traits d’une jeune Minerve, œuvre du peintre Appiani et du graveur Mercoli et décore les courriers du général.
A la même époque, on la retrouve sur les vignettes de la Police générale et du ministère de la justice. On constate donc que cette image est déjà bien présente au 18ème siècle.
La déesse assise sur le sceau
Toutefois, il faudra attendre jusqu’en 1848 pour qu’elle apparaisse sur le sceau d’état. C’est à cette même époque que le ministre de la justice en France reçoit le titre de « Garde des Sceaux ».
C’est en effet sous la Seconde République que ce sceau, toujours utilisé actuellement, sera défini par un arrêté du 8 septembre 1848. Malgré certaines libertés prises par le graveur des monnaies Jacques-Jean Barre par rapport à ce décret, le sceau reprendra les symboles associés à la République.
Jacques-Jean Barre fut le graveur général de la « Monnaie de Paris » de 1843 à 1855. C’est un graveur bien connu des philatélistes et numismates. Il est, entre autres, l’auteur des coins des monnaies à l’effigie du Prince-Président Louis-Napoléon Bonaparte et de l’Empereur Napoléon III, tête nue. En 1842, la Banque de France fit appel à lui pour la conception des nouvelles coupures de 500 francs et 1000 francs. Il fut aussi le dessinateur et graveur des premiers timbres-poste français.
Explications et symboliques du sceau
Représenté sous les traits d’une Junon assise (symbolisant la liberté), coiffée d’une couronne de lauriers radiée à sept pointes, elle tient de son bras droit le faisceau du licteur qui symbolise la justice. Son bras gauche est appuyé sur un gouvernail marqué du coq français dont la patte droite surplombe un globe terrestre. A droite du gouvernail, des feuilles de chêne évoquent la sagesse.
A ses pieds, une urne porte les initiales « S.U. » pour « Suffrage Universel ». En arrière-plan, les arts, l’agriculture et l’industrie sont représentés par le chapiteau, la gerbe de blé et la roue dentelée.
Autour et au-dessus d‘elle, l’inscription « REPUBLIQUE FRANCAISE DEMOCRATIQUE ET INDIVISIBLE ».
En dessous du dessin, la date du 24 février 1848, date de proclamation de la Seconde République par Lamartine qui sera effacée par la suite.
Et sur le courrier ?
L’utilisation en tant que cachet d’authentification sur des lettres semble remonter aux débuts de la Troisième République, apparue théoriquement après la destitution en septembre 1870 de Napoléon III, mais proclamée officiellement en 1875.
La plupart du temps, ces cachets n’ont aucune utilité postale mais servent surtout à attirer l’attention sur l’importance du pli. Quelques fois, ils justifient une franchise postale et servent de contreseing.
On en trouve surtout en période de guerre. Le cachet servait alors, semble-t-il, à marquer l’approbation du courrier ou l’importance de celui-ci. Nous avons trouvé des cachets « déesse assise » à de nombreuses époques. 1875, 1914-1918, 1939-1945 mais aussi pour des courriers vers l’étranger : Madagascar, Algérie…
Souvent, le cachet porte une inscription militaire, mais nous en avons trouvé d’autres également portant l’inscription « Médecin chef », reliés à des hôpitaux militaires. Nous en avons trouvé aussi indiquant des camps de prisonniers ou des mairies.
C’est plutôt un en-tête qu’un cachet. Très nombreux sous la Révolution, celui-ci ne peut pas être présenté comme un ancêtre de Marianne qui est une Liberté-République et qui n’est généralement pas assise mais debout, voire en marche, dynamique. Revoir le Marianne au combat de Maurice Agulhon, 1989, et Les emblèmes de la République. CNRS Editions, coll. Biblis, 2015… de Bernard RICHARD. Ajoutons que voir Junon dans la République assise de 1848 est bien aventureux, c’est plutôt une France v^tue à l’antique, comme sur le sceau de la première République, en septembre 1792, présentée comme telle dans le projet rédigé alors par l’abbé Grégoire. Donc trop de « sur-interprétation » dans votre présentation, le défaut que condamnait le sage Maurice Agulhon presque autant que l’anachronisme.
Pour le reste votre commentaire est utile et fouillé
Bonjour à vous tous.
Votre site est remarquable et je tiens à vous en féliciter.
Piètre philatéliste de la première heure, je me retrouve à 76 ans posséder une assez belle collection.
Votre site m’aide à redevenir le « chercheur d’informations relatives à chaque figurine.
Alors, un grand merci à vous et à l’aube de cette nouvelle année, je vous présente tous mes vœux.